Moi femme, je dis non au label de la FEMME FORTE !
Tu es forte !
Tu es une femme forte !
Non, je ne suis pas une femme forte, je n'ai pas eu le choix ...
Non, je suis malade, je dois faire face à la maladie...
Non, je suis une mère célibataire, j'ai à charge mon/mes enfant.s...
Non, mon mari est violent, je tente de m'en sortir ...
Non, mon patron me harcèle, je trouve une solution ...
Non, j'ai été violée, je confronte mon violeur !!!
Que cette expression finit par m'agacer à longueur de l'entendre ...
C'est devenu valorisant de féliciter une femme de la force dont elle aurait fait preuve pour traverser les malheurs, les évènements tragiques ou bien les difficultés ou tout simplement la vie.
Ce n'est pas un compliment quand la plupart des femmes quand elles traversent des difficultés le font le plus souvent seules...
Ce n'est pas de la force c'est tout simplement qu'à ce moment ces femmes monopolisent toutes les ressources qu'elles ont en possession pour s'en sortir.
Elles ne sont pas pour autant épargnées, elles sont éprouvées et épuisées ... mais cela nous le voyons pas ...
Ben non, il faut être FORTE !
Que cet adjectif "forte" perd tellement son sens quand il n'est jamais question de force mais plutôt de ne pas avoir le choix que d'y aller, foncer, traverser les épreuves, aller vers les succès, la reconstruction ou bien la guérison... pour toujours avancer ... toujours !
Selon le Larousse une personne forte est une personne : "qui a de la vigueur, de la force physique, qui est robuste et solide".
Les femmes fortes telles qu'on les imagine aujourd'hui sont celles qui auraient traversé les horreurs, les malheurs et l'adversité dont la vie les a soumises.
Ces épreuves que la plupart du temps elles ont traversé toujours motivées par l'instinct de SURvie...
L'idée, le fantasme et l'idéalisation de la femme forte est omniprésente dans nos sociétés.
La femme se doit d'accepter son "sort" quel qu'il soit et s'y résoudre toujours en silence et dignité.
Elle doit toujours se tenir sur ses deux pieds et jamais ne se plaindre...
Se plaindre ... WHAT !!! quelle idée... on parle ici d'un sort ... elle n'a ni le luxe, ni le temps de s’apitoyer...
La femme forte traverse le temps, toutes les sociétés et presque toutes les structures familiales car bien souvent même dans le système patriarcal c'est la femme qui est en charge des tâches principales du foyer ... la femme est souvent la personne référente de la famille, l'homme exerçant seulement son autorité !
Par exemple, dans ma situation de Maman de deux enfants dont un en garde partagée, je reste l'interlocutrice privilégiée du collège de mon fils alors qu'ils ont les coordonnées de son père ... selon une croyance seules les mamans seraient plus disponibles pour gérer ces questions !
La femme forte est celle qui se démène chaque jour pour se battre pour le maintient de son équilibre familial, veille à ce que son foyer ne manque de rien aussi bien affectivement que matériellement.
La femme forte est celle qui tait ses désirs et aspirations, parce qu'elle ne pourrait s'autoriser à en avoir mais en échange se dévoue, se tait, encaisse continuellement !
Pour ce qui me concerne ce mythe de la femme forte n’existe pas...
La femme forte, la femme parfaite sont des chimères et qui maintiennent une nouvelle fois les femmes dans ces rôles et ce sont des outils de domination et des constructions sociales.
En effet, ces constructions maintiennent les femmes dans l'idée qu'elles doivent tout gérer, tout endurer, tout supporter en silence ... parce qu'elles sont fortes !
Elles ne peuvent être faillibles voire même être qualifiées de faibles !
Ce n'est pas envisageable parce que cela ne correspond pas à la charge qu'on veut leur faire porter de force !
SEULEMENT :
- Les femmes n’ont pas à être fortes ! - Les femmes ne sont pas des machines à exécuter multiples tâches sans broncher. - Les femmes n’ont pas à endurer toutes sortes de traumatismes !
Je dis souvent que notre société n’aime pas les faibles mais en même temps elle en produit énormément dans le sens que nos sociétés ne nous ménagent pas !
Tant la vie est compliquée....
Tant nous devons nous battre pour le travail, nos familles, notre bien-être, notre santé ...
Tant les responsabilités et les obligations sont multiples ...
Vous rendez-vous compte, quand on est une femme il faut que l'on soit :
- une femme bien, c'est à dire posséder les bonnes valeurs morales (celles que la société veut qu'on possède évidemment) ;
- une bonne mère aux yeux des autres et de la société ;
- une bonne épouse ;
- hétérosexuelle ;
- belle aux yeux des standards de la société ;
- une bonne salariée !
Il serait tout simplement plus productif et plus sain de véhiculer l'idée qu'il est :
Ok de tomber et de se relever ! Ok de se tromper et de se remettre en question ! Ok de ne pas pouvoir s'en sortir dans certaines situations !
Ok de demander de l'aide et d'être soutenue !
Ce qui par contre n'est pas Ok :
- d'avoir dans son entourage une personne qui dérange votre équilibre, menace votre bien-être, s’attaque à votre intégrité physique et morale ;
- de s'enfoncer encore et toujours dans la croyance que nous devons tout traverser sans mots dire !
- de s'isoler ...
On ne demande plus aux femmes d’être fortes ...
On n'exige plus aux femmes d'être des machines qui doivent mener vie familiale, sentimentale, professionnelle et sociale comme une cheffe !
Ce qu'il faut :
On demande aux femmes d'êtres libres !
On exige aux femmes de prendre soin d'elles !
On leur vient en aide !
L'idée de femme forte asservit les femmes à ce sort : Sois forte et tais-toi !!!
Je dis NON avec force car je suis tombée dans le piège et je ne suis pas la seule...
Quand je dis cela, je ne peux m'empêcher de penser à ma grand-mère maternelle qui est arrivée en Guadeloupe ne parlant pas un mot de français ...
Qui a survécu en allant de petits boulots en petits boulots ...
Qui a ensuite immigré en France SEULE avec ses 7 enfants et qui a énormément souffert de sa condition de femme noire, mère célibataire et étrangère ...
Ma grand-mère était femme de chambre dans les hôtels parisiens et vous pouvez imaginer quelles étaient ses conditions de travail, tellement encore aujourd'hui elles sont encore épouvantables !
Je pense à ma grand-mère qui est décédée au prix de son dévouement, très jeune en laissant ses enfants dont deux étaient encore mineurs et une famille entière qui a pleuré sa perte ... et qui la pleure toujours...
Je pense à ma grand-mère qui, si elle n'avait pas été prise dans cette spirale de femme forte, serait sans doute encore en vie aujourd'hui et j'aurai pu lui parler et elle connaitrait mes enfants ...
C'est pourquoi j'ai toujours refusé de porter ma condition de femme comme un boulet à mes pieds !
Que d'un irrésistible pouvoir j'ai toujours su me libérer de situations dramatiques certainement parfois trop tard mais je suis libre tout de même !
Je refuse que l'on me colle une étiquette, un label !
Je refuse FERMEMENT qu'on affuble les femmes de ce qualificatif de "femme forte" !
Nous ne sommes pas fortes nous faisons face et c'est complètement différent !